Singulière destinée, en vérité, que celle de ce journal qui, tenu évidemment en français par un officier français, ne nous est parvenu que dans sa traduction anglaise (voir note finale).
Vétéran de la guerre de 14-18, qu’il avait faite dans l’infanterie, le capitaine Barlone n’était pas un militaire de carrière, mais il avait certainement « fait ses périodes ». En tout cas, il a reçu très tôt, dès le 23 août 1939, son ordre de mobilisation. À Toul, où se forme la 2ème Division d’Infanterie Nord-Africaine (tirailleurs algériens et zouaves), il reçoit le commandement d’une compagnie de transport hippomobile, lui qui ne connaît pas grand-chose aux chevaux ; mais il se forme à cette tâche avec application. Sa compagnie cantonne en Moselle, d’abord, puis, à partir de décembre, à Maing, près de Valenciennes, dans le Nord. En avril, il est question, compte tenu de son âge, d’envoyer Barlone à l’arrière. Mais il proteste, tient bon, et on le garde. Il sera donc à son poste pour participer, avec la 1ère Armée (général Blanchard), à la fameuse manœuvre Dyle qui projette en mai les troupes françaises en Belgique, jusqu’aux environs de Bruxelles.
« 10 mai 1940. Je suis réveillé vers 3 heures du matin par le bruit continu des vagues d’avions qui passent au-dessus de la maison, mais je suis fatigué et je me rendors aussitôt. À 8 heures, je reçois l’ordre de me tenir prêt ». Pas d’autre commentaire, sinon pour noter qu’une fois de plus les états-majors n’ont rien vu venir. Le rôle de sa compagnie sera de transporter dans des fourgons tirés par les chevaux le matériel et le paquetage des hommes de troupe qui s’enfoncent en Belgique à marche forcée. Quant à lui, il monte une jument, sa jument, à laquelle il est très attaché et qui le lui rend bien. On oublie trop souvent que dans l’infanterie les officiers sont encore dotés, à cette époque, d’une monture qui leur permet de parcourir plus rapidement les rangs de leurs hommes ou de surveiller la file de leurs véhicules hippomobiles.
En route pour la Belgique !
À 16h30, il traverse Valenciennes dévasté par le bombardement. Chose vue près de la gare : une automobile projetée par le souffle à l’intérieur d’une maison au moment où celle-ci s’effondrait : sous les décombres, on ne distingue plus que le coffre et deux pneus brûlés. En repassant une heure plus tard, le capitaine constate : « La vie à Valenciennes n’a pas été interrompue une minute, pas de signe de panique, pas même de nervosité ».À 20 h, au départ de la compagnie, qui vient de passer là quatre mois, « de nombreuses femmes versent des larmes, [mais] nos hommes sont pleins de vie et de bonne humeur ».
Samedi 11 mai : on passe la frontière à Bonsecours, à 7 h du matin, et on va faire étape à Grandglise (Hainaut), où Barlone dormira au château. « Partout, l’accueil est des plus cordiaux, les soldats français inspirent une confiance absolue. » Mais les réfugiés arrivant de Liège sont pessimistes, parlent de trahison et de cinquième colonne. Barlone et ses adjoints, en les entendant, « demeurent plutôt sceptiques et pas peu amusés ».
Le 12 mai (dimanche de la Pentecôte), on pousse jusqu’à Bolignies, près de Brugelette (Hainaut), où on est fort bien reçu par l’ancien maire. Impossible de croire ce qu’on raconte : les Allemands auraient traversé le canal Albert et avancé jusqu’à Tirlemont. Ce ne peut être que des bobards, répandus par des agents ennemis parachutés (hélas, il n’en est rien !).
13 mai. Peu d’avions français, mais l’aviation anglo-canadienne, elle, est active, reconnaissable aux couleurs de ses ailes, l’une noire et l’autre blanche : des chasseurs ont abattu un bombardier Heinkel. Celui-ci est criblé de balles et souillé de sang : deux des membres de l’équipage ont été tués, et le pilote capturé. Mais les nouvelles sont mauvaises, dans la population civile, les hommes manifestent leur angoisse par leur attitude crispée et les femmes par leurs pleurs. Étape, le soir, à Steenkerque (Hainaut) : « Nous gagnons cette région de bois verdoyants et de collines par des routes terribles, étroites et pavées ».
Sous les bombes
14 mai. À 6 heures, une douzaine de bombes tombent sur Steenkerque, sans faire de dégâts. « Nos chasseurs doivent être occupés ailleurs », car les bombardiers allemands opèrent en toute tranquillité. « Temps merveilleux – calme et superbe ».
15 mai. « Bombardement aérien intense, deux hommes légèrement blessés, trois chevaux tués et cinq blessés ». On atteint Haut-Ittre (Brabant wallon). Jusque-là, on a avancé par petites étapes toujours dans la direction du nord-est, parcourant en tout environ 80 km depuis Maing. En fait, on n’ira pas plus loin. Car le commandement a eu beau essayer de hâter le mouvement vers la Dyle, l’encombrement des routes par les réfugiés et l’absence de régulation du trafic militaire ont fait perdre trois jours. « La bataille de la Dyle est perdue. » L’armée française plie sous les coups de boutoir des divisions de panzers. Par ailleurs, les Belges n’ont pas préparé de ligne de résistance digne de ce nom, contrairement à leurs promesses. À son Q.G. près du monument de Waterloo, le général Dame, commandant la division, confie à Barlone le commandement d’un ensemble formé par le groupe de santé divisionnaire, les engins lourds, les pionniers et la compagnie de commandement du 22ème régiment de tirailleurs, avec la mission de regagner Maing au plus vite et de réquisitionner en route les chevaux qu’il faudra pour cela. « Ma colonne va s’étendre sur 7 à 10 kilomètres, et comprendre 800 à 900 chevaux et 1.500 hommes ».
16 mai. « Arrivée à Graty-Boscante [Hainaut], à 7 h du matin. Nous sommes bombardés et mitraillés à plusieurs reprises entre 4 et 6 h […]. Peu de victimes finalement dans ma colonne, qui a recueilli toutes sortes de traînards et de petits détachements en cours de route ». Mais les pertes dans les autres unités de la division ont été énormes, témoignant de la résistance opposée à l’ennemi. « Les hommes veulent savoir où je les emmène, mais je leur cache le fait que nous retournons en France. Ils sentent que les choses tournent mal, mais sans soupçonner [l’ampleur de] la défaite ». Le 17 mai, halte à Neufmaison (Hainaut) de 6 à 22 h. Visiblement, on évite de circuler de jour. La nuit, c’est plus sûr.
Retour sur le sol français
18 mai. On a repassé la frontière au même endroit qu’à l’aller. Barlone accorde un répit à sa jument, et emprunte un autre cheval pour galoper jusqu’à Maing. Surprise : les anciennes casemates que son unité occupait sont désertes, alors qu’elles auraient dû être réoccupées par des troupes fraîches. Mais revenu un peu plus tard sur les lieux avec le reste de ses hommes, il comprend, en apprenant que les Allemands sont déjà à Maubeuge (à 40 km). La 1ère Armée est menacée d’être débordée par l’est et le sud. Défendre Maing n’a dès lors plus aucun intérêt, il va falloir repartir, vers l’ouest ou le nord-ouest, cette fois. En trois jours, le convoi a couvert entre 60 et 80 km. Mais les attelages tiennent bien le coup.
Dimanche 19 mai. Le Q.G. divisionnaire s’est établi à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), qui, de même que Valenciennes traversé la veille, est presque entièrement en ruines. Barlone s’y rend pour prendre ses ordres. À l’entrée des caves de l’Hôtel de Paris, une sentinelle monte la garde : les officiers (mais eux seuls) sont autorisés à se servir parmi les milliers de bonnes bouteilles. Barlone et ses équipages quittent Maing et vont bivouaquer dans les bois de Flines (Nord), à 35 km, amorçant ainsi un mouvement vers le nord-ouest qui continuera dans la même direction jusqu’au bout. Sous leurs yeux, « un Curtiss canadien attaque trois Messerschmitts et en abat deux en moins de trois minutes […]. Instantanément, les hommes sont excités comme des poux et leur moral remonte ». Le soir, on fait une dizaine de kilomètres de plus pour aller établir ses quartiers dans une ferme abandonnée à Beuvry, près d’Orchies (Nord). Il n’est que temps : une heure après leur départ, les bois de Flines sont violemment bombardés.
20 mai. Repos. Sur la route de Saint-Amand à Lille, l’aviation allemande a bombardé les civils en fuite : « Près d’un seul cratère, je compte quinze femmes et enfants tués ». Une batterie antiaérienne britannique, mieux équipée et donc plus efficace que les françaises, abat deux avions. Après ça, on a la paix pour le reste de la journée.
21 mai. « Chaque nuit des lumières bleues, vertes et rouges apparaissent un peu partout ». Barlone y voit la preuve que la cinquième colonne n’est pas un mythe, d’autant plus que l’ennemi bien renseigné pilonne juste les emplacements des unités et cesse le tir dès qu’elles font mouvement. Mais en s’appuyant sur le fort Maulde (à la frontière, juste au nord de Saint-Amand), on espère contenir l’avance des Allemands.
L’espoir de rompre l’encerclement
23 mai. Départ à 22 heures pour Le Riez (près de Genech, à 10 km seulement), où l’on se disperse dans les vergers. La rumeur qui courait depuis deux jours prend consistance : « Les Allemands […] sont maintenant à Boulogne-sur-Mer et Calais. Ainsi, nous sommes encerclés ! C’est sidérant ! ». Le 25 mai, ordre de gagner Houplin, près de Wattignies, à 15 km au sud de Lille.
26 mai. L’armée du général Frère attaque à partir du sud pour rompre l’encerclement de la 1ère Armée et opérer sa jonction avec elle du côté de Bapaume (Pas-de-Calais). En conséquence, « notre division, qui faisait face à la Belgique, fait hâtivement volte-face vers le sud. Nos bons régiments qui comptaient au début 3.000 hommes, n’en comptent plus que 1.300 après les batailles de la Dyle et du fort Maulde ». Si, malgré tout, cette opération réussit, les avant-gardes allemandes – qui se sont imprudemment avancées jusqu’à la mer – vont être prises en tenailles, coupées de leurs arrières, et encerclées. « Nous dansons de joie ».
27 mai. Déception : l’armée Frère ne parvient pas à percer, et très vite, faute de moyens, y renonce. Barlone exécute l’ordre de traverser la Lys pour aller bivouaquer dans un petit bois, mais on l’avertit que celui-ci est déjà occupé par l’ennemi. Il doit tourner bride. Un quart d’heure durant, il subit les bombardements en piqué de 27 stukas : un tué, quelques blessés, et des pertes dans les rangs des chevaux. Dans d’autres unités, le bilan est pire. Conversation avec le capitaine commandant un détachement de trois chars qui vient les appuyer : c’est tout ce qui reste des 88 chars du Corps d’Armée, réduits à 15 dès le premier engagement et qui continuent le combat à un contre quatre. Le Roi des Belges, fils du fameux Roi-chevalier de 14-18, a capitulé : « C’est la fin de tout ».
28 mai. Bivouac à Erquinghem, sur la rive nord de la Lys. Ayant perdu contact avec sa division, Barlone se rend directement à Steenwerck, au QG de la 1ère Armée. « Des officiers de l’état-major épuisés sont enroulés dans des couvertures et dorment par terre ». Devant lui, on téléphone à ce qui reste d’unités en état de se battre d’« essayer de retarder une heure ou deux le bouclage du cercle infernal et ainsi donner aux autres une chance d’atteindre Dunkerque ».
La course éperdue à la mer et l’affolement des chevaux
29 mai. Barlone, sans plus attendre les ordres, décide à minuit de partir avec ses hommes pour gagner la côte. Ce sera la journée la plus longue de toute leur aventure. Pour commencer, il leur faut quatre heures pour parcourir le dernier kilomètre avant Nieppe (Nord), dont les rues sont bloquées par l’afflux des « véhicules hippomobiles, canons, automitrailleuses, camions, ambulances, voitures pleines de réfugiés […]. Des chars allemands passent […], lâchent quelques rafales de mitrailleuses, puis disparaissent, accroissant la confusion ». Vers 6 heures, on arrive à accélérer l’allure. Du côté de Neuve-Église (Nieuwkerke, Flandre occidentale belge), l’infanterie britannique, appuyée par une soixantaine de chars, également britanniques, et des canons français de 155, le tout formant un ensemble bien organisé, prépare une contre-attaque, vite repérée par l’aviation ennemie. « Les hommes paraissent fatigués, mais rient et plaisantent ». Ici, la route est coupée par des cratères, il faut emprunter des chemins de terre. Là, il faut parlementer avec les Anglais pour s’ouvrir un passage : en tant qu’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé à cet endroit, Barlone y parvient en usant de toute son autorité, ne serait-ce que pour empêcher certains Français d’ouvrir le feu sur leurs alliés.
« À la tombée du jour, le désordre est indescriptible […] On pousse dans les fossés quantité de canons endommagés, d’ambulances et d’automobiles pour dégager la route ». À 21 heures, on est encore à une quinzaine de kilomètres du but, mais il est nécessaire de faire une halte de deux heures, tant pour les hommes épuisés que pour les chevaux. Un peu après Bergues, à 15 km du but, « nous sommes pris sous un feu d’artillerie assez intense. Je réussis à maîtriser ma jument, malgré la fuite en trombe de 400 à 500 chevaux et mules abandonnés dans un champ ». Mais il reçoit le choc du fourgon qui le suit, dont les deux chevaux ont été pris de panique. Sa jument est également renversée, « elle se relève et se joint au galop des autres chevaux échappés ». Barlone risque d’être piétiné à mort, il s’écarte de justesse, à quatre pattes, tandis qu’un des attelages, « avec ses deux chevaux emballés, plonge dans le canal et disparaît ».
Dunkerque, « le souffle du jugement dernier »
On continue à pied, en se jetant dans le fossé rempli d’eau sous chaque salve d’artillerie. La route est jonchée de morts, et de centaines de blessés réclamant une aide qu’on n’a aucun moyen de leur apporter. Chose vue, d’abord de loin : « un soldat qui paraît tranquillement assis sur la route, penché sur un sac ; le malheureux a la moitié de la tête emportée – un corps couronné par une affreuse masse de chair déchiquetée ». Enfin, dans la nuit, on arrive à Bray-Dunes, où le désordre est à son comble. On apprend que le brave général Dame a été blessé et capturé (il mourra en captivité) et que la division se reforme sous le commandement d’un des deux colonels qui subsistent (sur neuf). Les hommes se creusent un abri dans le sol et y sombrent dans le sommeil.
30 mai. On se compte : les 18.000 hommes de la division ne sont plus que 1.250. On cuisine les haricots et les autres produits alimentaires qu’on a trouvés dans les camions britanniques abandonnés. Barlone calcule qu’il a fait 320 km depuis le 10 mai. Il est chargé d’emmener jusqu’au port de Dunkerque, en suivant la voie ferrée, environ la moitié des restes de la division. Le port est en ruine et en feu. « En vérité, on sent le souffle suffocant du jugement dernier ». Les obus pleuvent. Dans le détachement, il y a 4 tués et plusieurs blessés. Le navire attendu tarde.
Embarquement et bref passage en Angleterre
31 mai. 3 heures du matin. On embarque sur un cargo français qui répond au doux nom d’Hébé, la déesse de la jeunesse. Une heure plus tard, on appareille, sous les obus qui, par bonheur, tombent dans l’eau ou sur le quai. On l’aura échappé belle ! En effet, le capitaine du bateau, un sympathique Breton, confie à Barlone qu’il transporte un chargement de munitions et d’explosifs qu’il devait livrer à Dunkerque et qu’il remporte à Douvres ! La traversée dure 4 heures. Une fois arrivé sur le sol britannique, Barlone, démuni de tout, achète quelques objets usuels, une brosse à dents, une chemise. Il est frappé par l’ordre et la discipline des Anglais. Et par leur générosité : ils accueillent les Français, dès leur débarquement, et ensuite à toutes les étapes, avec un buffet bien garni. Barlone exprime le souhait d’envoyer un télégramme à sa sœur pour la rassurer : un vieux monsieur s’en charge et refuse son argent.
1er juin. Arrivée en train à Plymouth. « J’ai des soucis avec mon pied droit qui est très enflé : il semble que ce soit une crise d’arthrite due à la fatigue ». Barlone est embarqué sur un navire hôpital, qui lève l’ancre vers 20 h.
En France à nouveau, au milieu du chaos général
Retour sur le sol français. Du 2 au 5 juin, séjour à l’hôpital de Cherbourg (Manche), ponctué par des alertes aériennes. Ensuite, voyage de 24 heures en train. Puis séjour, du 6 au 12 juin à l’hôpital de Sainte-Anne d’Auray (Morbihan). Temps de pause : entre officiers, on fait le point. Ce ne sont pas les troupes et leurs cadres qui ont failli, mais le haut commandement et les politiciens. Barlone reçoit enfin des nouvelles de sa sœur et de sa nièce, les seules affections qu’on lui connaisse. Il apprend également que sa division est en cours de reconstitution à Bernay (Eure) et obtient l’autorisation de la rejoindre.
13 juin. Arrivé au Mans (Sarthe) par le train, il se fait conduire en voiture par un civil complaisant à 20 km, à Saint-Corneille, où il a la joie de retrouver certains de ses compagnons d’armes et la douleur d’apprendre la mort ou la capture de plusieurs autres. Le discours de Paul Reynaud appelant les États-Unis à l’aide, entendu à la radio à 19 h 30, le stupéfie. Prendre contact avec les Américains pour continuer la lutte est une chose, clamer sa déconfiture à la face du monde en est une autre.
14 juin. Paris déclaré ville ouverte ! Une contre-offensive est-elle encore possible ? Barlone se rend en train le 15 juin à Saumur (Maine-et-Loire), où il espère apporter sa contribution au centre de gestion et de réparation des engins automobiles (son ancienne spécialité militaire, avant les chevaux, semble-t-il). Mais tout est désorganisé, c’est le règne du chacun pour soi.
Finalement, il se rend le 16 juin à Bellac (Haute-Vienne), dans la voiture d’un commandant. « Comme moi, il a l’esprit combattif, l’esprit de la dernière guerre, il est alerte et décidé ». Là, un centre de récupération des véhicules motorisés tente de se constituer. Le 18 juin, la radio annonce que Pétain a demandé l’armistice. « Plusieurs officiers pleurent amèrement, d’autres demeurent apathiques, comme frappés de stupeur […]. J’ai pris ma décision, je vais essayer de passer en Angleterre ». Nouveau départ, sous la pression de l’avance allemande. C’est à Mussidan (Dordogne), le 19 juin, qu’il apprend l’appel du général De Gaulle. Le 20, il arrive au Dépôt du matériel mécanique de Coutras (Gironde), d’où, en rupture de ban plus ou moins ouverte, il commence à prospecter sur la côte landaise les possibilités d’embarquement (on lui inflige pour cela quatre jours d’arrêt !). Faute d’en découvrir, il reste plusieurs semaines à Sauveterre-de-Rouergue (Gironde), ou tout près, à Rimons d’Albret, où on espère dissimuler aux Allemands une partie du matériel dans un bois à l’écart.
Daniel BARLONE (1884-1960), A French Officer’s Diary, Cambridge University Press, translated from the French by L. V. Cass, préface du général Legentilhomme, 1942, 156 p., mai-juin 1940 : 44-98. Je prends la responsabilité de la retraduction en français.
Ce n’est que le 7 août qu’il réussit à se faire démobiliser. Le 22, il embarque à Marseille pour Oran, puis atteint Casablanca, et enfin Tanger, d’où il s’envole pour Lisbonne le 27 septembre et, de là, pour Londres le 1er octobre. Il fera partie des services de la France Libre, avec le grade de commandant. C’est en Angleterre qu’il a certainement mis au point la rédaction de son journal, d’après quelques notes succinctes prises au jour le jour. Car, malgré son engagement de principe, déclaré dans l’Avertissement, de ne rien modifier de ses impressions immédiates, il est évidemment impossible qu’il ait rédigé sur-le-champ, alors que les événements devaient occuper tout son temps, le texte soigné et développé que nous lisons.
Même si ce journal n’a pu être rédigé sur le moment, compte tenu des conditions matérielles que vit ce capitaine de 56 ans, il rend très bien compte de l’atmosphère d’indécision, puis d’improvisation, enfin de débâcle, qui a prévalu dans la dernière quinzaine de mai 40. Le récit très circonstancié de son auteur fait vraiment passer ce « souffle du jugement dernier » qu’on ressent à Dunkerque, dans les journées décisives.
Le courage de ce ( vieux ) capitaine , resté serein dans la défaite, malgré les maux physiques (une arthrite dans le pied gauche), imprègne le lecteur d’une réelle émotion.
Le commandant D. Barlone est enterré à Talloires (Haute Savoie) la commune où il est décédé en 1960. Je fleuris sa tombe pour la fête de la Toussaint.
J’ai connu le commandant alors que j’étais enfant et j’aimerais trouver le maximum d’informations pour le présenter aux habitants de Talloires qui ne le connaissent pas. J’aimerais savoir s’il a encore de la famille susceptible d’être contactée.
Pierre COMTE, 74290, Talloires-Montmin
Bravo pour cette belle initiative concernant cet Homme.
Son livre en anglais (dommage !) regorge de détails sur le quotidien vécu par ses hommes.
Depuis plus de trois ans je réalise des recherches sur la 2e DINA et le 40e RANA.
Ceux de 40 méritent que les honneurs leurs soient rendus !
Au sujet de la 2e DINA, il faut évoquer plus particulièrement ceux de la bataille de la Dyle puis de l’Escaut, qui participèrent ensuite à la bataille des Faubourgs de Lille et de Haubourdin, avant de partir en captivité. Fait marquant, ils eurent les Honneurs de l’Armée Allemande le 1er juin 1940 sur la Grand Place de LILLE. Voir « Haubourdin 1940 » sur YouTube.
Quelques centaines d’hommes de la DINA sont passés par Dunkerque, ils ont eu la chance d’éviter l’encerclement et se sont regroupés dans la région de Bernay en Normandie…..
Témoignons de leur engagement pour leur pays. Les derniers témoins vont disparaître, nous devons le faire pour eux et leurs familles.
Jean Luc CHAON, 51100 REIMS
Bravo pour ce récit très intéressant. Je suis tout particulièrement intéressé par cette période car mon illustre ancêtre le Général Pierre Dame, a été le héros de la bataille d Haubourdin. Frédéric Stoufflet frederic.stoufflet@wanadoo.fr